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17-04-2025 Vol 19

Séminaire sur un livre volé. La collectionneuse de Pascal Girard

À la jonction d’une crise existentielle, d’une peine d’amour et d’un livre volé peuvent se trouver des récits surprenants. La collectionneuse de Pascal Girard, publié cette année par les Éditions de la Pastèque, a su puiser à cette confluence la matière d’une bande dessinée d’une qualité remarquable, peut-être la plus aboutie du jeune créateur, qui est notamment l’auteur de Conventum (Éditions Delcourt).

Couverture

Lorsque l’on fait du jogging au Mont-Royal, il faut faire attention: une chute peut bien vite arriver. Lorsque cette chute entraine une blessure qui vient se superposer aux égratignures encore vives, laissées pas une rupture amoureuse récente, rupture elle-même à la source d’un déménagement de Québec vers Montréal, il peut en résulter une situation de crise, un découragement profond qui donne le goût de tout foutre en l’air pour retourner à l’école, ou même pour (re)devenir ferblantier.

C’est à un tel cul-de-sac que Pascal Girard, alter-ego fictif du bédéiste, se retrouve acculé au début de La collectionneuse. Mais une porte de sortie inusitée apparaît alors: le personnage aperçoit une belle jeune femme qui vole discrètement un livre qu’il a lui-même créé. D’abord flatté par cette «attention», il s’engage ensuite dans une enquête visant à pincer la voleuse, qu’il constatera être à la fois kleptomane et bibliophile.

Le récit se déploie ainsi selon une trame narrative toute simple, captivante car les faits et gestes qui y sont contés laissent apparaître des personnages tout en épaisseur. Leur complexité est surtout perceptible dans le dessin qui rend avec justesse un non-verbal laissant deviner toute la détresse, voire la névrose du protagoniste principal du récit. On est ainsi plongé dans un univers réaliste, une autofiction où s’exposent des faits quotidiens et où l’on voit apparaître par bride un arrière-plan montréalais. Cette même attention au détail qui révèle la psychologie des personnages permet aussi de saisir les traits caractéristiques de certains quartiers de la métropole, rendant d’autant plus poreuse la frontière entre réalité et fiction.

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C’est justement cette frontière incertaine qui donne tout son souffle à La collectionneuse. On se laisse prendre par les méandres psychologiques d’un individu en crise qui s’improvise enquêteur, peut-être afin de mieux se masquer à lui-même ses intentions réelles. Au-delà des situations cocasses et quelque peu absurdes auxquelles le personnage est confronté, on a un peu l’impression de voir se dévoiler Pascal Girard, le vrai, celui qui manipule le crayon, celui qui tisse un récit réconfortant où s’entremêlent les fils du rêve et ceux de la réalité.

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Pascal Girard, La collectionneuse, Montréal: la Pastèque, 2014, 100 p.

Article par Gabriel Vignola. Il aime le gros son, mais aussi la délicatesse… Le verre ciselé par l’orfèvre… Il aime qu’on se lance, qu’on s’attrape et qu’on s’arrête, devant une toile, un livre ou un panneau de signalisation.

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