Ce soir comme tous les autres soirs de ma vie, je dois écouter un film. Et puis dans le contexte mondial actuel, je me suis dit qu’il serait pertinent de regarder quelque chose concernant la religion. J’ai voulu appréhender la place que la religion peut prendre chez une personne et dans sa réalité. J’ai choisi un film québécois : Sur la terre comme au ciel. Ce film est co-écrit, produit, réalisé et monté par Nathalie Saint-Pierre. Il a été projeté au Festival International du Film de Santa Barbara et au Festival BUFF FilmFestival à Malmö en Suède où il a d’ailleurs gagné le prix du meilleur film jeunesse (Best Youth Film Award). Parce que j’aimais tout l’espace abstrait entre ces deux univers, la terre et les cieux que laisse sous-entendre ce titre, il n’y avait plus d’autres options que celle-là.Et en plus, le synopsis nous promettait de la comédie.
Le film commence et on se retrouve à la campagne dans un groupe de chrétien·ne·s évangéliques isolé·e·s et ultra pratiquant·e·s. Le corps du film présente deux sœurs : Clara (Lou Thompson) et Sarah (Philomène Bilodeau). La première est une adolescente plutôt timide et candide tandis que la deuxième de dix-huit ans est curieuse et revendicatrice. Par exemple, Sarah refuse de faire une tâche obligée par sa mère tandis que Clara se précipite à proposer son aide. Elles ne pourraient pas être plus différentes. Dès les premières minutes du film, Clara nous dit que Sarah souhaite se faire piquer par une araignée venimeuse pour quitter ce monde. Déjà là, nous pouvons, en tant que spectateur·trice·s, ressentir l’inconfort et la complexité que peut vivre une jeune fille dans un tel groupe en n’ayant pas nécessairement toutes les ressources nécessaires pour se développer et/ou s’affranchir.
Le chaos nous emporte vers une scène où Sarah fuit sa famille et Clara se retrouve toute seule face au groupe; plusieurs hommes l’entourent et la questionnent ardemment en lui mettant de la pression. C’est grâce à une carte postale de Montréal trouvée dans la poubelle qu’elle parvient à trouver le courage de partir sans hésitation à la recherche de sa sœur, déboussolée par son propre départ.
Clara part donc vers Montréal en ayant comme plan d’aller chez sa tante Louise (Édith Cochrane), puisque selon elle, c’est le seul endroit où Sarah peut bien se trouver. Louise a été coupée de la mère de Sarah et de Clara du moment où elle a rencontré le père des deux filles. Après être partie vivre avec son mari à la campagne : « j’ai trouvé ma vraie famille maintenant » ont été les derniers mots que Louise a entendus de sa sœur.
Ainsi, on apprend que Sarah n’est pas chez Louise et l’on comprend également que la tante est bourrée de sarcasme, ce qui allège le drame. Si ce n’était pas d’Édith Cochrane dans ce rôle, le film serait plus dur à visionner. En effet, elle nous permet de respirer et elle nous donne une pause à l’intensité que vit Clara en nous faisant rire. Toutes les deux se mettent sur le dossier lors de cette première soirée en cherchant le profil de Sarah sur internet. Toujours le verre de vin dans une main et la vapoteuse dans l’autre, Louise joue un rôle d’acolyte dans la recherche de sa filleule et elle s’impose comme un genre de coach de vie pour guider Clara à travers les tourments de l’adolescence. Au fil de leurs conversations, nous voyons deux femmes, Louise et Clara, qui proviennent de deux mondes complètement opposés : bien que leurs croyances soient tout sauf similaires, elles se côtoient et s’apprécient.
D’un côté, il y a Louise qui ne croit qu’absolument rien n’est sûr sauf la mort, mais elle se rallie quand-même aux forces de l’univers et à la science. Tandis que du point de vue de l’autre, Clara n’arrive pas à expliquer son monde sans Dieu. Pour elle, il lui est impossible de comprendre comment le ciel a pu être créé sans Lui.
Enfin, Clara se retrouve à naviguer dans Montréal toute seule. Clara découvre ce nouveau monde où Dieu n’est nulle part. Les condamné·e·s comme elle les appellent dans le film, ou plutôt les gens qui ne croient pas en Dieu, ne semblent pas s’inquiéter dans la ville. Clara découvre que Montréal est quelque part où « on dirait que tout est fait pour ça ici. Oublier ». N’étant pas tout à fait à l’aise dans cette autre réalité, elle trouve refuge en fermant les yeux. Sans jamais perdre de vue son objectif, Clara continue de chercher dans tous les recoins de la métropole et cela commence à lui donner envie d’en voir plus. Louise lui apprend allègrement à faire des nuances et à ne pas croire de tout ce qu’on se fait dire. L’adolescente se voit alors désenchantée par sa religion.
Par le dialogue entre les deux personnages, on ressent que Clara devient plus curieuse de savoir à quoi ressemble une autre sorte de vie. Elle commence alors à appréhender un monde où Dieu n’existe pas. Vivant un choc existentiel en côtoyant Montréal, sa quête initiale devient plutôt une réelle quête de soi. Le film avance et nous voyons Clara découvrir des choses d’elle-même, des choses intimes comme se regarder pour la première fois dans un miroir, apprendre à faire du vélo et aller à la librairie pour lire autre chose qu’uniquement la Bible. À partir de ce moment, Clara commence à penser par elle-même et elle désire en savoir plus sur cet autre monde dont elle a été coupée durant toute sa jeunesse ; n’ayant jamais eu la chance de connaître une autre réalité que la sienne.
Va-t-elle retrouver sa sœur? Va-t-elle retourner à la campagne? Est-ce que je vais vous le dire? Non. Je ne vous en dis pas plus, je vous laisse découvrir le punch par vous-même. Avant la fin, par contre, je mentionne les fabuleux cadrages artistiques souvent tournés vers les cieux : le film est beau à regarder visuellement. Aussi, je crois qu’il est important de parler de cette réalité dont des jeunes filles d’un groupe évangélique vivent dans le vrai monde et non pas seulement dans la fiction. Il n’est pas évident de quitter un groupe aussi profondément pratiquant et reclus du monde, et ces jeunes filles qui sont élevées, parfois malgré elles, sont en fait endoctrinées. Voilà où le drame de ce film naît, et où il se poursuit dans la vraie vie.
Pour finir, Sur la terre comme au ciel est d’une sensibilité authentique où nous sommes tous·tes témoin·te·s de la beauté de l’émancipation et de la prise de contrôle sur soi.

Capture du film effectuée par moi-même
St-Pierre, N. (réalis.). (2023, 3 novembre). Sur la terre comme au ciel [Film]. Axia Films.