L’idée de se déplacer dans Griffintown pour un vernissage était plutôt sympathique au départ. C’est ce que proposait l’exposition Entre deux feux qui présentait, du 18 au 27 mars dernier, les œuvres de vingt-trois étudiants de l’école des arts visuels et médiatiques de l’UQAM.
Endroit: la New City Gas, bâtiment construit vers 1860 et qui transformait jadis le charbon en gaz pour éclairer et chauffer le tout-Montréal. Plein à craquer le soir du vernissage, le lieu, qui ne paie pas de mine de l’extérieur (quelques petits cônes discrets aux teintes pastels en trahissent l’anonymat), recélait pourtant quelques bijoux d’art, mais surtout une foule de visiteurs venus découvrir les talents-uqam, cuvée 2011. On devait même faire la file une bonne demi-heure pour monter à l’étage, marcher sur des passerelles un peu dangereuses, voir tout de haut, les œuvres, les têtes, et d’autres œuvres, au-dessus de celles d’en-dessous, principe des deux étages.
Mettant à profit l’histoire du lieu, les artistes exposants ont choisi de se positionner dans l’entre-deux, à la jonction des transformations passées et futures, témoignant ainsi de ce qui caractérise leur (notre) génération en perpétuel devenir. Mélangeant l’imaginaire des innovations du passé et les techniques les plus modernes, la thématique devait leur permettre de développer les potentialités du lieu tout en démontrant les acquis de leur parcours académique. Pour autant, ça ne flairait pas l’amateurisme. Pour ceux qui se supposent que les expos étudiantes ne valent pas le détour, Entre deux feux avait de quoi faire tomber les préjugés.
On retiendra particulièrement la brillante installation critique du cube blanc, à visiter en miniature et à l’oblique et qui déroute les labyrinthes (ceux des oreilles) à coup sûr, littéralement la pièce centrale de l’exposition. Mention coup de cœur à la vidéo de Karine Tanguay en mariée aux émotions terribles et belles tout à la fois, dont l’esthétique somme toute conventionnelle à l’égard des tendances actuelles a su néanmoins rencontrer les exigences narratives de sa poésie visuelle toute en nuances et rendre le sublime d’une intimité qui ose se montrer sous ses plus fragiles coutures. Face à la séquence: se taire un peu, regarder longtemps, & apprécier la sensibilité. Les étranges personnages d’Élise Provencher ont également su perdurer jusqu’ici dans mon imagerie interne, signe manifeste d’un intérêt particulier éveillé chez moi par sa pratique sculpturale. Enfin, les toiles au style très personnel et assumé de Nicolas Ranellucci-Tremblay que je m’étais réservées pour la sortie – juste avant la sortie plutôt – n’ont pas su me décevoir. Sa peinture présente un imaginaire à la fois distant et familier, des personnages ludiques dans un espace quasi onirique, tout en n’étant pas pour autant de l’ordre du rêve, mais assez près du conte. Il y a quelque chose là-dedans qui fascine, qui retient, qui prolonge encore un peu la présence.
Si je passe sous silence nombre d’autres artistes et leurs œuvres, il ne faut pas croire qu’ils n’en valaient pas la peine. J’ai voulu dresser un portrait général de l’exposition de mémoire, histoire de témoigner de son inscription toute subjective et vous la partager, un peu en retard, certes, mais mieux vaut tard que jamais. Et franchement, l’exposition des étudiants en arts visuels et médiatiques de l’UQAM de cette année était excellente, ce qu’il ne faut pas manquer de souligner.
Rendez-vous sur le site de l’exposition pour obtenir des informations détaillées sur les artistes et leurs démarches: www.entredeuxfeux.com.
Article par Simon Levesque. Tigres de papier & autres créatures sibyllines occupent son esprit amusé par l’objet inexistant.