La poésie, qu’elle soit en prose ou en vers libres, est libératrice. Elle nous plonge dans l’intimité de l’auteur·rice, nous laisse entrevoir sa vulnérabilité. Elle forge un lien puissant entre l’auteur·rice et ses lecteur·rice·s, incité·e·s à interpréter librement les vers proposés. Ainsi, la poésie peut faire réfléchir, pleurer, rêver. Certains vers peuvent nous laisser de marbre, alors que d’autres nous atteignent profondément. La poésie est totalement subjective, de sorte qu’un même recueil ne sera jamais lu deux fois de la même façon. Voilà la réelle beauté de la chose.
Mégane Therrien nous propose : Crâbe de Émilie Pedneault
En avril dernier, Émilie Pedneault nous offrait un recueil poétique au ton féministe. Entre la cueillette de fraises, l’éducation des enfants et l’hypersexualisation du corps, l’autrice illustre l’aliénation de la femme. Le recueil nous intime le refus du mutisme, la révolte contre le traitement injuste réservé aux femmes. De vers en vers, la colère prend d’assaut le recueil. Les feux des femmes et des mères sont invoqués, une alliance féminine afin de faire partir les inégalités en fumée. C’est une lutte pour renverser les attentes genrées et les rôles imposés dans nos sociétés patriarcales. C’est une mise en lumière de la force féminine, de la résilience. C’est une rébellion pour ne pas naitre « la peau imbibée d’un genre[1] ».
Emma Létourneau nous propose : Manuel de poétique à l’intention des jeunes filles de Carole David
Manuel de poétique à l’intention des jeunes filles nous plonge dans la bibliothèque intérieure de la grande poète montréalaise Carole David. Publié en 2010 aux éditions Les herbes rouges, ce recueil rend hommage à plus d’une vingtaine d’écrivain·e·s, artistes et figures historiques ayant laissé une trace dans l’imaginaire de l’autrice. Leurs noms apparaissent en guise de titres, tandis que leurs histoires et leurs œuvres propulsent l’exploration poétique de David. La plume qui s’y dessine, alternant entre la prose, le vers et leur fusion, est délicieusement trouble. Elle fait naitre des images denses, mais ô combien vivantes, qui rallient corps, nature, domesticité et violence. La poète s’arme fréquemment du « tu » pour réveiller ses morts, ou plutôt ses mortes, car la majorité des icônes présentées sont des femmes. Elles occupent une place centrale dans le recueil, et le fil narratif tissé par l’autrice pour les unir est celui de leur asservissement à l’espace domestique et de l’influence de cette contrainte sur leur œuvre. Manuel de poétique à l’intention des jeunes filles est un grand intertexte qui nous prend par la main, nous invite à écouter les voix qui nous ont échappé, mais surtout celles qui nous habitent.
Mathilde Pelletier nous propose : Chansons transparentes de Jonas Fortier
J’apprécie le style de Jonas Fortier non seulement pour ses images astucieuses, mais surtout pour son rythme empreint de déférence. Lire Chansons transparentes, c’est comme avoir une conversation télépathique, une correspondance où les strophes renferment des journées entières passées à penser. Je recommande ce recueil en particulier pour sa tonalité unique : la réflexion du poète prend un aspect musical, ce qui dynamise singulièrement le thème du désir donnant lieu à l’œuvre. Le livre est, de surcroit, un très bel objet à tenir entre les mains.
[1] Émilie Pedneault, Crâbe, Montréal, Les éditions de la maison en feu, 2023, p. 18.
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David, Carole, Manuel de poétique à l’intention des jeunes filles, Montréal, Les Herbes rouges, coll. « Poésie », 2010, 84 p.
Fortier, Jonas, Chansons transparentes, Montréal, L’Oie de Cravan, 2019, 68 p.
Pedneault, Émilie, Crâbe, Montréal, Les éditions de la maison en feu, 2023, 80 p.
Article rédigé par Mégane Therrien, Emma Létourneau et Mathilde Pelletier