Avec Atavismes, Raymond Bock offre un premier recueil d’«histoires» variées et inégales, mais d’une profondeur et d’une qualité qui ne peuvent être remises en question.
Encore une fois le Quartanier a visé juste et révèle un jeune auteur talentueux. Raymond Bock, dont Atavismes est le premier recueil publié, poursuit actuellement sa maîtrise en études littéraires à l’UQAM. Mais nul académisme de poindre à travers sa prose, plutôt un souffle inédit qui se permet de revisiter de belle manière l’identité canadienne-française à la sauce contemporaine, l’auteur a l’audace de reprendre un flambeau qui se trouvait quelque peu délaissé depuis une certaine année médiane de la décennie 90. À travers une mosaïque disparate de spatio-temporalités oscillant entre Nouvelle-France et Québec contemporain, chez Bock, l’américanité s’accorde à l’hiver pour montrer les affres, revers, ravissements et consolations de l’inévitable filiation humaine. D’un fils à son père, et inversement, c’est l’histoire de tout un peuple qui miroite à travers l’amour du prochain et l’admiration d’un précurseur.
Si liberté et détermination se mélangent habilement pour arriver à faire ressentir le poids d’une histoire commune dans les destinées individuelles des protagonistes, c’est que l’illustré relève de l’illustrateur et Bock paraît avoir répondu à l’«Appel», à l’instar de Baptiste son personnage de la nouvelle du même nom : « Un nord vierge, qu’on transformerait en éden d’abondance. Ce n’était ni un choix ni un sacrifice : son destin suivait son cours, sa foi le résignait au bonheur. » Son nord, Bock l’a conquis, pétri, poli, moiré, pour parvenir à créer, dans le dédale de ses histoires, un certain fil conducteur parmi les variations autour des thèmes de la paternité, de l’identité, de l’amour et de la violence, de l’histoire et du territoire.
Le souffle de l’écrivain comme le vent glacial de l’hiver d’ici brûle les pages du recueil d’histoires et à travers elles se ressentent certes l’aridité d’un territoire et l’amertume de ses habitants à l’égard de l’histoire, mais tout au fond le feu se maintient; c’est en demi-ton et comme un soubassement nécessaire que s’impose l’espoir dans l’entrelacs d’échecs (relatifs) qui parsèment le recueil et l’histoire, ses histoires. Car Atavismes se permet à la fois de revisiter le sens de notre passé et de se projeter dans un spéculatif et fantasque futur tout en cumulant les réflexions sur nos temps présents. Et le point d’orgue de tout ce jeu temporel est très certainement la nouvelle qui clôt le recueil, «Le voyageur immobile», petit bijou d’écriture fantastico-identitaire (pardonnez le terme).
Atavismes : transmission continue, de génération en génération, des caractères héréditaires, physiques ou moraux. Le titre est idoine, néanmoins le questionnement continue de sourdre dru : c’est quoi le projet? Comme un baume pour ne pas trop y penser, les visages ensommeillés des proches paraissent dire Laisse, l’histoire s’en charge. Et c’est bien la force de Raymond Bock : parfois radicale, d’autres nuancée, son écriture tout à la fois foisonnante et violente («L’autre monde», «Le ver», «Carcajou», «Effacer le tableau»), intime, nostalgique et poignante («Dauphin», «Raton», «Chambre 130») parvient à saisir dans sa grande complexité la psyché collective d’un point de vue totalement assumé. C’est l’œuvre d’un écrivain talentueux que ce recueil d’histoires. Et s’il y en a certaines qui ne sont pas tout aussi rayonnantes, il faut certes reconnaître leur splendeur aux meilleures.
Atavismes, aux éditions Le Quartanier, collection « Polygraphe », 2011, 230 pages.
Article par Simon Levesque. Tigres de papier & autres créatures sibyllines occupent son esprit amusé par l’objet inexistant.