15e édition des Sommets du cinéma d’animation

La Cinémathèque présentait du 23 au 27 novembre la quinzième édition des Sommets du cinéma d’animation, qui ont eu droit…
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La Cinémathèque présentait du 23 au 27 novembre la quinzième édition des Sommets du cinéma d’animation, qui ont eu droit cette année à une audience record. Pendant les quelques jours du festival, les amateurs de cinéma d’animation ont pu assister à des ateliers, des conférences et des rencontres portant sur le cinéma d’animation, sans oublier une série de projections. L’Artichaut a assisté à des projections du programme international et du programme étudiant.

Le clitoris - Lori Malépart-Traversy
Le clitoris – Lori Malépart-Traversy

Programme étudiant international

Beaucoup de variété dans ce bloc de projection étudiant international d’un peu plus d’une heure et 20, où pas moins de 12 films ont été projetés, venant d’un peu partout dans le monde : France, États-Unis, Japon, Estonie, etc. Tout le monde y trouve son compte, avec des films certes « étudiants », mais remarquablement maîtrisés, créatifs et soignés. À coup sûr, on entendra sûrement parler à nouveau de beaucoup de ces cinéastes.

Plusieurs styles et méthodes d’animation sont mis de l’avant, de l’animation par ordinateur au dessin fait à la main. Pour le très soigné Garden Party (F. Babikian, V. Bayou, V. Caire, T. Dufresne, G. Grapperon, R. Montiel et L. Navarro), on a droit à une animation 3D proche du photoréalisme, illustrant les escapades rigolotes d’un groupe de batraciens dans une maison abandonnée dans des circonstances suspectes ; à l’opposé, pour 99a, Frankfurt Street (Evgenia Gostrer), un dessin évasif, presque abstrait, met en image les propos d’un éboueur racontant sa tournée quotidienne et son amitié avec un chat errant. I felt like destroying something beautiful (Katrin Jucker), quant à lui, prend le parti d’une animation glitch chaotique, menant à un rythme effréné vers une finale aussi colorée qu’abrasive.

De cette série de projection, on retiendra entre autres l’évocateur In Inertia (Takuto Katayama), qui dépeint de façon plus que littérale l’inertie débilitante de la dépression, avec son personnage dont chacun des pas s’enfonce dans des sables mouvants. Porté par un trait fin et juste et une bande-son soignée, le film propose un récit simple mais efficace, installant en peu de temps une ambiance claustrophobe et angoissante.

On ne manquera évidemment pas de mentionner la présence de deux films étudiants montréalais, réalisés par des étudiantes de l’Université Concordia, qui constituaient deux des moments forts de la soirée.

Le clitoris (présenté aux Sommets après une série de projections dans divers festivals internationaux), réalisé par Lori Malépart-Traversy, était un très rigolo (et très réussi) exposé sur, vous l’avez deviné, le clitoris. À travers une série de scènes amusantes et décomplexées (auxquelles préside un sympathique clitoris anthropomorphe), le fonctionnement et l’histoire du clitoris (de sa « découverte » à aujourd’hui) nous sont résumés. Une démarche loin d’être anodine, considérant les tabous entourant encore cet organe mal-aimé et, de façon plus générale, le plaisir sexuel féminin — sujets sur lesquels les soi-disant « autorités » historiques ont le plus souvent été… des hommes. Avec humour, Le clitoris invite à se départir des vieilles idées et à célébrer l’orgasme féminin plutôt que de le condamner : « Clito Power! »

Dans un tout autre registre, le Nutag-Homeland d’Alisi Telengut (présenté plus tôt cette année au TIFF) évoque, avec une imagerie poétique minutieusement peinte à la main, la déportation du peuple Kalmyk de l’URSS entre 1943 et 1957. Près de la moitié d’entre eux sont morts en Sibérie avant d’avoir pu regagner leur terre d’origine. Sans dialogue et porté par une musique mélancolique, le film, en peu de temps et avec une maîtrise tout à fait remarquable, parvient à évoquer la perte et la douleur d’un peuple entier. Un poème visuel, furtif comme un souvenir, qui évoque avec une grande sensibilité le deuil et la nostalgie.

Nutag-Homeland - Alisi Telengut
Nutag-Homeland – Alisi Telengut

Programme international

L’animation, bien que souvent dédaignée par les milieux académiques, peut bien souvent être porteuse de belles trouvailles visuelles et narratives. Le programme international présentait un étalage de styles et de longueurs variés, le plus long film durant 20 minutes, le plus court, 1 minute. Tout comme dans le programme étudiant, plusieurs pays étaient représentés. La projection s’ouvrait ainsi avec Samt (Silence) de Chadi Aoun, du Liban. Grandement inspiré par l’esthétique anime, le film, d’une technique hors pair, présente un état totalitaire où un groupe de rebelles utilisent la danse et la musique pour briser le silence et la grisaille ambiante. Malgré la qualité esthétique irréprochable du film, son format et ses influences l’emprisonnaient quelque peu, faisant tomber cette histoire de révolution poétique à plat.

Force est de constater que les animaux avaient un belle part dans cette programmation. Dans l’étrange Time Rodent (Ondrej Svadlena), un rongeur futuriste, équipé de sa caméra, explore un monde futuriste des plus glauques, où des humains voient leur essence consumée par d’étranges machines dans un univers tenant à la fois de la Matrice et du Soleil Vert. Time Rodent est avare d’explications et reste surtout une exploration de surface ; il compense cependant par une imagination déchaînée, qui enchaîne les trouvailles visuelles ingénieuses. Dans le plus léger Golden Egg (Srinivas Bhakta), en provenance de Singapour, un adorable petit oiseau, recueilli par un couple, se retrouve dans un sérieux pétrin quand celui-ci tente de lui faire pondre des œufs en or. Mignon et jouissif, le film se déploie en une série de tableaux, arrangés à la manière d’une bande dessinée, et est empreint d’une énergie contagieuse. Dans le standard mais efficace Un plan d’enfer (Jean-Loup Felicioli et Alain Gagnol), c’est au tour des chats de tenir la vedette, alors qu’ils viennent mettre en péril le cambriolage de deux loubards.

Golden Egg - Srinivas Bhakta
Golden Egg – Srinivas Bhakta

Dans le belge Beast! (Pieter Coudyzer), l’animal est cette fois une immense créature extraterrestre, à laquelle s’attachera un sans-abri hirsute et renfrogné. Rappelant le classique The Iron Giant, les deux êtres, différents mais réunis par leur marginalité (et leur tendance au cri guttural, leur seul moyen de communication), tenteront de fuir ensemble vers un monde meilleur; ces plans seront toutefois contrecarrés par la paranoïa militaire et la folie humaine. Porté par un style d’animation 3D assez unique, à l’aspect brut et brouillon (qui n’est pas sans rappeler le caractère des personnages), Beast!, presque dénué de dialogue, parvient à raconter son histoire avec brio, nous rendant sympathiques deux personnages qui, aux premiers regards, n’ont rien de particulièrement attachant ou attirant. Dans le rayon de la marginalité, on avait également le court mais réussi I am here (Eoin Duffy), en provenance de Vancouver, qui présentait les pensées religieuses et inspirantes d’un homme qui se révèle être un itinérant perdu dans un fast-food. Un saint en haillons.

Dans un registre plus expérimental, le Simulacra de Theo Tagholm trafiquait des images aériennes de New York, décalant et manipulant le territoire urbain dans un ballet contemplatif et intrigant, proche de la science-fiction.

Pour terminer, un coup de cœur de la programmation : Vocabulary 1 de la New-Yorkaise Becky James. Un concept d’une simplicité tout à fait désarmante : une carte de vocabulaire, du genre qu’on remet aux écoliers, avec des mots associés à différents petits pictogrammes. À travers ces pictogrammes (serpent, lapin, maison, clôture, miroir, etc.), explorés un à la suite de l’autre par la caméra, une petite histoire se dessine, … et prend rapidement un tournant sinistre! Avec son humour noir tout à fait réjouissant, le film nous prouve encore une fois qu’au-delà de la virtuosité technique et d’une histoire à grand déploiement, un concept solide et bien exploité est toujours gage de succès.

Vocabulary 1 - Becky James
Vocabulary 1 – Becky James

Artichaut magazine

— LE MAGAZINE DES ÉTUDIANT·E·S EN ART DE L'UQAM