Depuis l’arrivée de PKP dans la campagne électorale, on parle beaucoup du rôle des médias, du danger de voir les journalistes œuvrant à l’empire Québécor pris pour défendre les intérêts de leur grand patron, de l’impartialité journalistique qui serait soudainement mise en péril par ce grand bouleversement. Non mais est-ce que quelqu’un croit encore à ce vieux concept d’objectivité journalistique?
Il y a longtemps que LCN et Le journal de Montréal, entre autres, ont embrassé assez ouvertement le journalisme d’opinion. Quand Richard Martineau, Jean Lapierre ou Mario Dumont commentent l’actualité politique, il est assez difficile de croire à un semblant d’objectivité; à moins qu’on ait quitté l’école à 15 ans et qu’on soit de ceux qui prennent la parole des animateurs de la célèbre Radio X de Québec pour du «cash». Dans ce cas, on peut être complètement aveugle au fait que ces diseurs de vérités tentent farouchement d’influencer notre regard sur la société et, ultimement, de nous porter à mettre notre X dans la bonne case lors des prochains scrutins (celle un peu plus à droite, bien entendu). Et que l’idéologie à promouvoir sur les ondes ou le papier soit directement dictée par le patron ou non n’a guère d’importance. Choisir d’engager Éric Duhaime comme commentateur politique, par exemple, c’est déjà, à la source même, donner une direction idéologique de droite à son média. Il n’y a qu’à multiplier l’embauche de ce type d’idéologue démagogue, qu’à en submerger les ondes d’une radio, et on se retrouve rapidement avec une Radio Poubelle; la recette n’est pas bien compliquée et elle s’applique à n’importe quelle forme de média. Tout ça est d’une évidence…
Alors on se dit que n’importe qui ayant un minimum d’intelligence devrait être en mesure de comprendre le manège; pourtant, c’est loin d’être toujours le cas. Imaginez donc lorsque le média en question se donne une véritable apparence d’objectivité, qu’il semble fuir le populisme et embrasser l’impartialité journalistique. Le subterfuge n’est-il pas encore plus pernicieux? Prenons Radio Canada, dont les journalistes paraissent s’être donnés le mot la semaine dernière pour brandir la terrible menace d’un éventuel référendum sur la souveraineté du Québec (relayant ainsi les paroles chaotiques de Philippe Couillard), seul épouvantail susceptible, si l’on se fie à leur discours, de contrer l’effet PKP, dont l’arrivée au Parti québécois (PQ) pourrait très bien séduire les partisans de la Coalition avenir Québec (CAQ). C’est à croire qu’ils voient encore la population comme cette bande de moutons effrayés qui ont toujours un peu tremblé devant l’imminence d’une possible prise en charge complète et indépendante de leur destin; alors que le printemps 2012 nous a plutôt montré une population qui a fait fi de la peur.
Selon certains sondages, l’appui à la souveraineté plafonnerait autour de 40%. Soit. Mais il n’y a pas si longtemps, un autre sondage évaluait cet appui à 44%; aussi, chose un peu étrange, si l’on additionne les intentions de vote pour les deux partis souverainistes dans le dernier sondage Léger, 37% pour le PQ et 9% pour QS, on obtient 46% des gens qui, présentement, voteraient pour l’un ou l’autre des partis souverainistes (vous me direz que Québec solidaire n’est pas vraiment un parti souverainiste, mais ça, c’est une autre histoire). Est-ce à dire que la grande frayeur d’un éventuel référendum n’est qu’une construction radio-canadienne passablement teintée idéologiquement? La question se pose. Du reste, qu’on nous bombarde avec l’«expertise» politique d’une Tasha Kheiriddin ou d’autres fédéralistes avoués, je pourrais l’accepter, si l’on respectait au moins dans la composition du « panel » politique la proportion de souverainistes dans la population, ce qui n’est malheureusement pas le cas.
Cependant, je m’égare un peu, car ce qui m’avait incité à prendre aujourd’hui la plume (ou plutôt le clavier), c’est cet article d’hier dans La Presse qui en a incité plus d’un à déchirer sa chemise sur Facebook, alléguant qu’ils ont été victimes d’une haute trahison de la part du gouvernement de Pauline Marois. Celui-ci aurait réduit de façon perfide le crédit d’impôt pour droits de scolarité de 20 à 8%, ce qui ferait gonfler de 360$, soit 18%, la facture annuelle des frais de scolarité. Toutefois, ce qu’on oublie de dire dans l’article, c’est que la très grande majorité des étudiants à temps complet ne peuvent travailler un nombre d’heures très élevé et, par conséquent, n’ont pas un revenu suffisant pour payer de l’impôt; ils n’ont donc pas besoin de ce crédit d’impôt. Mais il y a la possibilité de le reporter aux années subséquentes, ce crédit d’impôt, me dira-t-on, au moment où les étudiants feront enfin assez d’argent pour payer de l’impôt. Peut-être. N’empêche qu’il me semble préférable que les frais de scolarité demeurent «relativement» peu élevés et que les étudiants aient plus d’argent dans leurs poches lors de leurs études, au moment où leur situation est la plus précaire, plutôt que de leur donner un gros crédit d’impôt dont il bénéficieront après leurs études, au risque de devoir augmenter substantiellement les frais de scolarité, comme on semble suggérer dans l’article. Par ailleurs, certains parents qui ont des enfants à charge aux études seront sans doute pénalisés par la réduction de ce crédit d’impôt, qui leur est transférable, mais comme environ 42% de la population ne paie déjà pas d’impôt, souvent à cause de trop faibles revenus, ce sont les parents les plus en moyen qui auront réellement à débourser davantage. Nous nous éloignons donc passablement du grand complot annoncé.
Là où je voulais en venir avec toute cette histoire, c’est que, finalement, les véritables victimes là-dedans, ce sont ceux qui se sont laissé manipuler par cet article de La Presse, un journal ouvertement fédéraliste, qui a choisi de publier cet article sournoisement partisan en pleine campagne électorale afin d’entacher le PQ. Et plusieurs universitaires n’y ont vu que du feu, trop empressés d’accuser le PQ de tous les maux.
L’idéologie est partout, dans tous les discours. Voilà pourquoi il faut aiguiser son sens critique et s’exercer à la reconnaître. Ce matin, j’ouvre la radio en mangeant mes céréales. Je tombe sur l’émission de Catherine Perrin à Radio-Cadenas (comme disait Pierre Falardeau). On annonce un concours et on nous dit que le bon de participation se trouve dans le journal La Presse. Convergence vous avez dit? On parle ici d’une radio d’État, payée par nos impôts. Je ne veux rien insinuer, mais bon, c’est à vous de juger. Ensuite, l’animatrice a un entretien très chaleureux avec quelqu’un qui est arrivé premier à un jeu télévisé français dont j’oublie le nom. Il s’adonne qu’ils sont allés à la même polyvalente. Le monsieur est avocat et a déjà été candidat pour le Parti libéral fédéral; il a également songé à se présenter au provincial. Elle l’encourage fortement à tenter sa chance à nouveau… allégeance vous dites? Moi, je ne veux rien insinuer…
Je m’arrête ici avant d’avoir l’air trop parano. Mais rassurez-vous, je ne suis pas toujours en train d’analyser chaque phrase de discours médiatique qui pénètre mon esprit pour y déceler un message subliminal qui chercherait à influencer ma vision du monde et de la société; je suis tout de même d’avis qu’on devrait tenter de prendre conscience le plus possible des prises de position, parfois sous-jacentes, qui teintent le discours médiatique en général. J’ai bien de la difficulté à croire à la pure objectivité journalistique. Une part de subjectivité ou d’idéologie se cache souvent quelque part derrière le message véhiculé sous le couvert de l’objectivité; c’est d’ailleurs celle qui risque de nous influencer le plus sournoisement, dès lors qu’elle agit dans l’ombre. Voilà pourquoi je serais en faveur d’un cours d’initiation au discours médiatique et à la vie démocratique donné dès le début du secondaire. On pourrait ainsi apprendre très tôt aux adolescents à ne pas être dupes de tout ce qu’ils lisent ou entendent un peu partout dans les médias.
P.S. Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, ma chronique est empreinte d’une ferveur indépendantiste quelque peu voilée.
Article par Dominic Auger – Chroniqueur pour l’Artichaut, Dominic Auger est également étudiant à la maîtrise en études littéraires. Il en est revenu d’étancher sa soif à coups de tempêtes désertiques, sa quête se portera mieux vers un devenir collectif.