En juin 2014, la ministre de la Culture et des Communications du Québec Hélène David a demandé aux conservatoires un plan de retour à l’équilibre budgétaire pour palier au déficit de près de 14 millions de dollars engendré par les neufs conservatoires de musique et d’art dramatique du Québec. Une des solutions mises sur la table est la fermeture des conservatoires situés en région, soit ceux de Gatineau, Rimouski, Saguenay, Trois-Rivières et Val D’Or. Le 1er octobre, la ministre David a finalement assuré que la fermeture de ces conservatoires n’était pas une possibilité. Les compressions budgétaires devront donc s’effectuer à d’autres niveaux.

Au total, 352 élèves qui fréquentent ces conservatoires et 81 professeurs qui y enseignent auraient été touchés. Cette annonce de compressions budgétaires a soulevé l’indignation dans le domaine musical. Plusieurs manifestations ont eu lieu à travers la province. Les acteurs des médias sociaux ont dénoncé les coupures et une pétition a circulé sur le site de l’Assemblée nationale du Québec afin de préserver les conservatoires de musique en région. Devant les menaces de fermetures, les Conservatoires du Québec se sont mobilisés. L’association étudiante des élèves du Conservatoire de musique de Montréal a d’ailleurs rédigé une lettre qu’elle a adressée à la ministre David. On lui demandait, entre autres, de suspendre sa décision sur les coupures dans les conservatoires avant d’avoir consulté les divers acteurs du milieu culturel. Des réductions budgétaires avaient déjà été effectuées dans ces institutions au cours des dernières années, ce qui avait entraîné une réduction du nombre d’heures de cours offertes pour certaines matières.
La ministre a cependant déclaré qu’elle n’envisageait pas la fermeture des conservatoires en région. «Si on me proposait de cesser l’enseignement offert par les conservatoires en région, ma réponse serait non. […] Je prends le parti des régions, je prends le parti des étudiants. La mission du conservatoire sera sauvegardée en région», explique-t-elle. Plusieurs se réjouissent de cette nouvelle, puisque ces fermetures auraient eu des répercussions majeures sur les régions concernées.
Pour plusieurs, le conservatoire de musique en région joue un rôle capital dans la vie culturelle. Bon nombre d’étudiants, tant au niveau primaire et secondaire qu’au niveau collégial et universitaire, fréquentent l’institution, qui est par ailleurs réputée pour la formation de qualité qu’elle offre. Des activités culturelles diverses, notamment des concerts et des concours, ont également lieu dans ces établissements.
«Ce sont les conservatoires qui nous distinguent des autres provinces. Nous sommes uniques au Québec à cause de ces institutions», note Élise Paradis, étudiante en violon classique à l’Université McGill. «Enlever les conservatoires en région rendrait l’accès à la culture encore plus difficile qu’il ne l’est déjà, mais appauvrirait aussi les régions de tous les enseignants, maîtres instrumentistes et compositeurs dont elles se doivent de regorger. Les musiciens perdront une raison d’être en région!» Élise a quitté la région de Sept-Îles pour entreprendre des études supérieures, ce qu’elle ne pouvait pas faire dans sa région. Son point de vue reflète bien l’opinion de nombreux acteurs de la communauté artistique, qui déplorent le manque d’accès à certaines branches de la culture en région.
Les fermetures toucheraient non seulement les élèves, mais aussi les professeurs. Selon Diane Caplette, professeur de flûte traversière au Cégep de Saint-Laurent, il serait loin d’être aisé pour eux de se trouver un autre emploi dans l’enseignement. «Avec les coupures dans le domaine de l’éducation, tous les paliers d’enseignement sont touchés, ce qui fait que l’éducation de la musique en est diminuée de beaucoup, et ce, partout.» Avec des réductions budgétaires importantes, il serait d’autant plus ardu pour les professeurs licenciés de se trouver un poste dans une institution similaire.
Pour le gouvernement, il n’a jamais été question de fermer certains établissements des conservatoires. Or, comme dans les autres domaines, des compressions budgétaires sont cependant exigées – l’objectif principal étant le déficit zéro. La culture n’y échappe pas. Ces compressions seront-elles, à long terme, bénéfiques? Chaque année, le secteur des arts génère des millions de dollars en revenus. En 2008, au Québec, les revenus engendrés par la vente de billets pour les spectacles de musique, danse, théâtre et variétés ont atteint plus de 236 millions de dollars.
Selon Claude Goulet, professeur en finance à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscaminque, les programmes de musique n’apportent guère d’argent au gouvernement. Il précise néanmoins qu’une institution comme le conservatoire est importante pour une région. Si elle en venait à être abolie en Abitibi, cela poserait problème pour les étudiants collégiaux et universitaires, puisqu’il s’agit de la seule institution d’enseignement musical dans la région. Ils seraient forcés de se diriger vers Québec ou Montréal, où le coût de la vie est plus élevé. Seuls les étudiants plus fortunés auraient par conséquent la possibilité d’étudier la musique.
L’administration du conservatoire devra trouver d’autres solutions pour équilibrer son maigre budget – déjà réduit par le passé. Encore une fois, il y a fort à parier que la culture sera la grande perdante face aux objectifs de déficit zéro du gouvernement québécois.
Article par Léa Dupuis.